La Ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Préventions, Agnès Firmin Le Bodo a procédé, accompagné de la délégation ministérielle, à une série de déplacements en Europe (Angleterre, Belgique, Espagne, Italie) dans le cadre du débat sur la fin de vie.

Présence d’Anne Marie Colliot en Belgique et en Espagne.  

Dans quel contexte vous êtes-vous rendue en Espagne et en Belgique avec la Ministre Mme Firmin Le Bodo ?

Je suis allée en déplacement en Espagne et en Belgique dans le cadre de l’évaluation en Europe des différents dispositifs sur la fin de vie. Il m’a été proposé d’accompagner la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, Mme Firmin Le Bodo et le ministre délégué, porte-parole du gouvernement, Monsieur Véran, au cours de leurs visites sur le terrain. J’ai proposé ma candidature en tant que déléguée générale de la SFAP, de chargée de missions d’une cellule régionale de soins palliatifs et surtout avec ma casquette de paramédicale, car jusqu’à présent toutes les visites étaient faites avec des médecins. Les soins palliatifs étant pluridisciplinaires, les paramédicaux peuvent aussi apporter leur capacité d’analyse sur les pratiques de fin de vie dans les différents pays. Ma candidature a été validée pour participer aux déplacements, en Belgique et en Espagne. On était un groupe de 5 professionnels de santé dont 4 médecins et 2 députés français pour accompagner les ministres dans ces deux déplacements.

Quel a été votre rôle sur ces quelques jours ?

Le but de ces visites étaient de pouvoir rencontrer des professionnels de santé et des bénévoles de ces deux pays, pratiquant des soins palliatifs et/ou de l’euthanasie.

Je retiens plusieurs objectifs à ces visites :

  • Evaluer les organisations ainsi que le parcours de décision pour une demande d’euthanasie
  • Comparer les différents dispositifs
  • Repérer les difficultés auxquelles sont confrontés les professionnels,
  • Apporter une lecture de paramédical.

 

Je prends, en exemple, un point précis :

En Belgique, il y a une commission d’évaluation de la demande de l’euthanasie des patients qui est faite à posteriori donc après le décès du patient alors qu’en Espagne cette commission d’évaluation a lieu à priori, avant le décès.

Ce sont des éléments majeurs pour que si les parlementaires français s’ils décidaient d’aller vers une loi sur l’euthanasie ou le suicide assisté.

On est sur des éléments factuels qui sont très importants. C’est-à-dire, comment les lois ont été montées et à quel hauteur les professionnels de santé dont les soins palliatifs ont été inclus dans la réflexion dans l’écriture de cette loi de chaque pays ? Et surtout comment la vivent-ils au quotidien ?

En bref, c’était recueillir des éléments factuels du terrain et il faut le reconnaître nous avons eu la possibilité de poser toutes les questions souhaitées.

Qu’est-ce qui vous a marqué dans cette expérience ?

Ce qui m’a marqué en tant qu’infirmière mais aussi chargée de mission c’est l’inconsistance des maillages et des réseaux de soins palliatifs dans ces 2 pays. L’arrivée d’une loi sur l’euthanasie a encore plus fragilisé le parcours patient et l’accès aux soins palliatifs. Mon militantisme est de poursuivre la défense des droits du patient d’avoir un accès aux soins palliatifs quelle que soit sa pathologie et son âge ; on voit bien qu’en France quoi qu’il se passe, quoi que la cité demande il faut maintenir la pression pour le développement des soins palliatifs.

 

L’Espagne et la Belgique ont su nous faire remonter qu’ils nous envient notre plan de soins palliatifs (même s’il n’est pas à la hauteur de nos espérances) et le basculement vers une stratégie décennale.

La base de la défense des droits du citoyen c’est de dire, potentiellement il aura le droit à un accès à l’euthanasie mais il doit avoir accès aux soins palliatifs et il est important de défendre ce droit alors que dans les 2 pays visités, ce droit est complètement bafoué.

Donc ma posture était vraiment de voir comment développer les soins palliatifs (domicile, libéral, hospitalier) pour éviter le plus possible une demande d’euthanasie.

De plus, ce qui m’a vraiment marqué c’est la différence de temporalité entre la Belgique et l’Espagne.

D’un côté, une Belgique où le délai entre la demande et la mise en place de l’euthanasie est extrêmement court.

Alors que d’un autre côté, pour l’Espagne on est plutôt sur une moyenne de 50 à 55 jours et paradoxalement, la pratique de la sédation profonde et continue est remontée d’une façon importante pour montrer à quel point on peut pallier à cette demande d’euthanasie. Voilà ce qui m’a le plus fortement marqué.

En ajoutant un point qui m’a affecté, surtout en Belgique, c’est la souffrance des professionnels de santé concernant l’application de l’euthanasie avec une pression sociétale forte et une pression médiatique également extrêmement forte. J’ai vu des collègues professionnels, des cadres de santé, des infirmiers et des médecins généralistes qui étaient dans le burn-out total face à cette pression pour pratiquer l’euthanasie.

Interview d’Anne Marie Colliot faite le 09/03/2023 par Floriane Hebert

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