🌍✈️ Deux équipes, un même voyage : comment le Québec a enrichi leur regard sur les soins palliatifs

Deux équipes bretonnes de soins palliatifs ont traversé l’Atlantique pour découvrir les pratiques québécoises et partager leur expérience.

L’équipe du CHU de Rennes, dirigée par le Pr Vincent Morel, s’est déplacée dans le cadre d’un projet d’envergure : 8 professionnels de l’unité et de l’équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs sont partis en voyage, grâce à des levées de fonds et de dons, montrant la mobilisation et l’implication de chacun pour que le projet voie le jour. Elle a passé trois jours en immersion à la Maison Michel Sarrazin et deux jours au congrès francophone de l’Association Québécoise de Soins Palliatifs (AQSP), où elle a présenté plusieurs interventions et un poster primé « Coup de Cœur ».

Dans le même temps, l’équipe du Centre hospitalier Yves Le Foll de Saint-Brieuc, menée par Stéphanie Louiche, a participé au 92ᵉ congrès de l’ACFAS à Montréal pour présenter SPAMLO 3.0, un serious game immersif sur les soins palliatifs. Ce voyage a permis aux deux équipes de confronter leurs pratiques, de renforcer leur cohésion et de s’inspirer d’autres approches de l’accompagnement de la fin de vie.

 

Une coopération internationale structurée

Pour le CHU de Rennes, ce voyage s’inscrit dans une coopération internationale déjà engagée avec la Maison Michel Sarrazin (Québec), l’Université Laval et l’Institut national de recherche en soins palliatifs. Cette collaboration nourrit à la fois la recherche, l’enseignement et les échanges de pratiques. Elle s’est renforcée grâce à la mobilité d’un an de Guillaume Robert, maître de conférences en soins palliatifs. Dans ce cadre, l’équipe (2 aides-soignantes, 2 infirmières et 2 médecin, 1 psychologue, 1 ergothérapeute) est partie une semaine pour une immersion riche et dense :

• 3 jours à la Maison Michel Sarrazin, établissement pionnier fondé en 1985 et reconnu comme référence historique des soins palliatifs au Québec. Ce lieu, centré sur le bien-être du patient et de ses proches, a impressionné par la sérénité de son approche, ses pratiques et ses espaces de soins (balnéothérapie, thérapies sensorielles). Les soignants bretons ont observé comment cette maison a intégré l’aide médicale à mourir, légale depuis dix ans, sans renier laquait de son accompagnement palliatif. Les différences culturelles d’approches et la vision plus développée de l’accompagnement à domicile en France ont nourri de nombreuses réflexions.
• 2 jours de congrès au sein de l’Association Québécoise de Soins Palliatifs (AQSP), où l’équipe a participé à plusieurs communications et a démontré sa capacité à se mobiliser pour un tel projet, à intervenir et oser soutenir plusieurs interventions retenues.

Les interventions ont porté sur :

• « Unité de Soins Palliatifs : et après … ? Quand le retour à domicile se profile »
• « Parcours de soins palliatifs en France : du domicile à l’Unité de Soins Palliatifs »
• « L’AMM : un soin de fin de vie en demande au Québec et son traitement en France » (regards croisés France-Québec)
• « Sédation à domicile dans un contexte de soins palliatifs en France » (résultats de thèse, analyse épidémiologique)
• Une table ronde sur « Les soins palliatifs en situation de crise ».

Un poster primé : ouvrir les portes des soins palliatifs aux proches des soignants

Parmi leurs contributions, une initiative a particulièrement marqué les participants : un poster intitulé “Portes ouvertes d’une Unité de soins palliatifs aux familles des soignants : donner à voir notre travail autrement”, récompensé du prix Coup de Cœur du jury.

Cette idée simple et novatrice consistait à inviter les familles des soignants de l’unité à venir découvrir, le temps d’une journée, leur environnement de travail. Car si les professionnels affrontent au quotidien la souffrance et le deuil, ils emportent souvent avec eux à la maison un silence chargé d’émotions, difficile à partager.

Lors de cette journée, les proches ont pu visiter une chambre témoin, découvrir les salles dédiées au bien-être des patients comme l’espace Snoezelen ou la balnéothérapie, participer à un atelier sur l’hygiène des mains, et échanger autour d’un goûter convivial.

Les retours ont été bouleversants : les familles ont exprimé leur admiration, leur soulagement de mieux comprendre, et leur surprise de voir « un climat serein et chaleureux » dans un lieu souvent perçu comme sombre. Pour les soignants, cette initiative a facilité le dialogue à la maison, permettant de mieux verbaliser les émotions et de casser des stéréotypes.
Ce projet, à la fois ludique, sensible et audacieux, a touché le congrès par son humanité et son originalité.

 

Zoom sur le poster

Observer sans juger : une posture humble

Au Québec, l’équipe rennaise n’était pas venue pour débattre mais pour observer, comprendre et s’inspirer. L’expérience autour de l’aide médicale à mourir a été questionnée : les soignants bretons ont constaté que leurs homologues québécois eux-mêmes restent critiques, lucides et vigilants quant aux dérives possibles. Ce regard partagé, à la fois réassurant et nuancé, nourrit aujourd’hui la réflexion française, alors que le Parlement débat de l’évolution de la loi sur la fin de vie.

 

Saint-Brieuc : innovation pédagogique et recherche immersive

En parallèle, l’équipe de Saint-Brieuc a présenté le projet SPAMLO 3.0, un serious game immersif imaginé par Stéphanie Louiche, infirmière en soins palliatifs, et développé en collaboration avec son équipe composée du Dr Grira, de Dorothée Tanguy, d’Anaïs Plantard, d’Alix Brugière et du Dr Carole Coulon. Ce jeu sérieux, initialement conçu pour sensibiliser le grand public aux soins palliatifs, a ensuite évolué vers un projet de recherche mené sur huit centres en France, sur une période de 20 mois. Utilisant la réalité virtuelle, il vise à faire mieux comprendre la démarche palliative et à réduire l’anxiété liée à cette thématique.

Présenté au 92ᵉ congrès de l’ACFAS dans le colloque « Soins palliatifs et deuil : vulnérabilités humaines et souffrances à l’ère des nouvelles technologies », SPAMLO 3.0 a suscité un vif intérêt grâce à son approche innovante et interdisciplinaire. Le projet se distingue également par l’intégration d’un « patient partenaire » au sein de la démarche scientifique, illustrant une conception collaborative de la recherche centrée sur le patient. Une approche particulièrement développée au Québec, comme le souligne Stéphanie Louiche, où la recherche associe pleinement soignants, paramédicaux et patients dans un esprit d’ouverture et de co-construction.

Par ailleurs, une autre collaboration s’est développée avec deux chercheuses québécoises, Mme Chantal Verdon et Mme Francine Demontigny, qui interviennent depuis trois ans au sein de l’établissement de Saint-Brieuc pour dispenser des formations aux professionnels et animer une conférence grand public sur le deuil périnatal. Ce projet s’inscrit dans une dynamique de partage et d’enrichissement mutuel autour de la thématique du deuil.

Lors de leur déplacement, Stéphanie Louiche et le Dr Coulon ont profité de leur séjour pour allier l’utile à l’agréable : en plus de découvrir Québec, Montréal, Ottawa et Mont-Tremblant, ils sont allés à la rencontre de l’équipe de la Maison Michel Sarrazin (également visitée par leurs homologues rennais) qui leur ont réservé un accueil particulièrement chaleureux. Ils se sont également rendus à la Maison de soins palliatifs de la Rivière Nord Pallia-Via à Saint-Jérôme. Ces rencontres ont été particulièrement enrichissantes, notamment sur le rôle essentiel des bénévoles et sur la possibilité de co-construire de beaux projets pour les patients.

Une expérience humaine inoubliable

Au-delà des conférences, des posters et des innovations, ce voyage a été une aventure profondément humaine. Les membres des équipes ont renforcé leur cohésion, partagé leurs regards et appris à se connaître autrement.

Les échanges avec les Québécois ont montré que, malgré les différences culturelles et législatives, les mêmes défis humains demeurent : accompagner, écouter, soutenir jusqu’au bout.

« Il ne s’agissait pas de juger, mais d’observer, d’échanger et de comprendre », résume le Dr Nicolas Genin.
« Les Québécois nous inspirent par leur audace et leur capacité à décloisonner », ajoute Stéphanie Louiche.

 

 Résultat : un voyage riche en science, éthique et humanité, qui confirme la Bretagne comme une terre de soin et d’innovation en matière de soins palliatifs.